Le piano des Pagnol a retrouvé le premier château du petit Marcel

Marcel Pagnol a rencontré Jacqueline Bouvier en 1938, au cours d’une audition. Le couple se marie en 1945 et, dès lors, ne se quittera plus. Ils s’installent en 1956 dans un hôtel particulier parisien, avenue Foch. Marcel y rédige son œuvre phare, « La gloire de mon père« , suivie de son roman « Le château de ma mère ». Depuis la mort de l’écrivain en 1974, et jusqu’à sa disparition en août 2016, Jacqueline ne fit aucun changement dans leur demeure.

Les meubles et les objets personnels du couple Pagnol, conservés depuis 1974 au sein de leur hôtel particulier parisien, ont été dispersés aux enchères par la maison Morand & Morand, le 12 mai 2017 à Paris. Et, parmi ces biens, il y avait un piano quart de queue Yamaha (modèle G2 E1473156), qui était surtout celui de Jacqueline Pagnol, même si Marcel en jouait aussi parfois.

Est-ce avec son amie Madeleine Corro, écrivaine, poète et pianiste, que Jacqueline Pagnol s’est mise au piano? En tout cas, Marcel était, lui aussi, un amateur.


Le 14 septembre 1961, lors d’une longue interview d’André Parinaud pour la Radio Télévision Française, Marcel Pagnol avoue son intérêt pour la musique et l’on apprend qu’il joue un peu de guitare et de piano. Il évoque les relations fortes qu’il a entretenues avec des amis compositeurs tel que Georges Auric, le chef Paul Paray, le pianiste Arthur Rubinstein, Arthur Honegger. Son compositeur favori est Schubert et ses cycles de lieder. Il réalisera d’ailleurs, inspiré par la vie de Franz Schubert, le film « La belle meunière » en 1948.

En tout cas, il aimait le piano, et nous en avons la preuve dans ce passage:

« Soudain, j’entendis sonner puissamment des cloches de bronze. D’abord un peu espacées, comme les premières gouttes d’une pluie d’été ; puis elles se rapprochèrent et se réunirent en accords triples et quadruples, qui tombaient en cascades les uns sur les autres, puis ruisselaient et s’élargissaient en nappes sonores, trouées tout à coup par une rebondissante grêle de notes rapides, tandis que le tonnerre grondait au loin dans de sombres basses qui résonnaient jusqu’au fond de ma poitrine. Une tendre mélodie errait sous cet orage: elle s’élançait par moments vers le ciel, et grimpant jusqu’en haut du clavier, elle faisait trembler dans la nuit de blanches étincelles de musique. Je fus d’abord abasourdi, puis bouleversé, puis enivré. La tête vibrante et le cœur battant, je volais, les bras écartés, au-dessus des eaux vertes d’un lac mystérieux: je tombais dans des trous de silence, d’où je remontais soudain sur le souffle de larges harmonies qui m’emportaient vers les rouges nuages du couchant.
Je ne sais pas combien de temps dura cette magie. Enfin, sur le bord d’une falaise, quatre accords, l’un après l’autre, ouvrirent lentement leurs ailes, s’envolèrent et disparurent dans une brume dorée, tandis que les échos de l’ébène n’en finissaient plus de mourir… »

Extrait de «Le temps des secrets ».


Quoi qu’il en soit, lors de la vente de 2017, le piano du couple Pagnol a été acheté par un pianiste et compositeur, Franck Ciup. Un homme qui aime aussi le cinéma, puisque en 2017, il a l’idée de créer «Quand le piano fait son cinéma»,récital de piano seul ou à quatre mains, les plus célèbres musiques de film, de W. Cosma, G. Delerue, E. Morricone, M. Legrand, F. Lai, N. Rota, à E. Morricone, mixées avec les grands compositeurs classiques.

Et, voulant que le piano de Marcel Pagnol retourne dans un des lieux qui évoquent sa mémoire, Franck Ciup a accepté de le confier, en dépôt, à la Grande Loge de France, pour qu’il soit au château Saint-Antoine, le premier des quatre châteaux des souvenirs d’enfance, celui où le Comte offrait à Augustine Pagnol des roses lors de chacun de ses passages.

Le 13 mai 2023, Franck Ciup l’a confié à Thierry Zaveroni, Grand Maître de la Grande Loge de France, et il nous a fait le plaisir d’en jouer dans le grand Temple.


Le piano a été accordé tout de suite après sa réception et, bien évidemment, il le sera régulièrement.

Le piano prend place maintenant dans l’atrium, où il est loisible aux pianistes, qui sont nombreuses et nombreux, sans doute, à venir au château, de le faire vivre lors de cérémonies ou, tout simplement, pour le plaisir des Sœurs et des Frères.

Merci de bien vouloir respecter le piano. Seuls les musiciens professionnels ou amateurs éclairés seront autorisés à en jouer pour notre plaisir.

La famille Fine, une des propriétaires du château

Carte postale du château Saint-Antoine

Cette carte postale, sur laquelle le nom du Comte de Robien a été remplacé par « Fine », m’a amené à rechercher des informations sur ce propriétaire du château.

La famille Fine,  Xavier Fine (1876-1962) et Gabrielle Salles (1882-1983) et leurs descendants, faisait partie de la bourgeoisie marseillaise, et possédait, au centre-ville et aux alentours, plusieurs propriétés, la « maison familiale » étant à La Viste, dans les quartiers Nord de Marseille, et ayant pour nom « L’Hospitalière ».

Ils s’installent en 1921 dans leur propriété dite « de Saint Antoine » ou « Saint Menet », qui, dans le journal que tient la famille, est toujours désignée comme « Saint Menet ». Les liens entre la partie de la famille restée à La Viste et celle installée à Saint-Menet sont très étroits. Mais ils quitteront « Saint Menet » le 16 octobre 1931 pour retourner dans la vraie maison familiale, « L’Hospitalière », à La Viste.

Madeleine Fine, fille de Xavier et Gabrielle, épouse Régis de Lacheisserie le 2 avril 1932. Ce dernier travaille chez « Ugine », société qui avait une usine aux Aygalades (près de La Viste) et une autre à La Barasse (près de Saint-Menet). Il y a sans doute un rapport avec l’achat du château pour les oeuvres sociales de l’usine.

Il est à noter que les propriétés des Fine dans les quartiers Nord subiront un sort parallèle au château Saint-Antoine: elles seront démembrées par l’urbanisation de la ville, et le passage, en 1950, de l’autoroute.

Notons, aussi, que, de même qu’il y a une « Montée Commandant de Robien » à Saint-Menet, il y a aussi, à la Viste, une « Rue du Lieutenant Fine » (Xavier, tué dans la Somme en 1940).

Vous trouverez la totalité de l’histoire de cette famille sur son site Internet:
http://famillefine.free.fr